Il y a 100 ans, la révolution russe ébranla le monde

Publié le 8 Novembre 2017

L'année 2017 marque le centenaire d'un événement à l'impact considérable et dont l'écho résonne encore aujourd'hui : la révolution russe. En abolissant le régime tsariste, en place depuis trois siècles puis en portant les bolchéviks au pouvoir, le processus révolutionnaire russe qui s'étend de février à octobre 1917 (dans le calendrier grégorien) a modifié le cours du XXème siècle et ouvert une espérance sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Le journal l'Humanité propose un Hors-série spécial sur le sujet ; "Que reste t'il de la révolution d'Octobre ?", disponible sur le site en cliquant sur ce lien ou chez votre marchand de journaux. Retour sur ces événements à la portée si longue.

Le 8 mars, les femmes russes, bientôt rejointes par les ouvriers de Poutilov, lancent la révolution russe

S'il est d'usage de faire démarrer la révolution à l'occasion de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 1917, où femmes et ouvriers convergent pour réclamer du pain et le droit à une vie digne, ceci n'est que la face visible d'un iceberg reposant sur le rejet massif de la guerre et du régime tsariste. La Russie connue une première révolution en 1905, dirigée contre l'autocratie du régime et le monopole des terres en faveur de l'aristocratie tsariste. Seule concession, la Douma, un parlement sans pouvoir effectif, ne suffira pas à éteindre durablement l'incendie. La première guerre mondiale et son cortège de morts au front et de privations à l'arrière sera l'étincelle ou comme le dit Lénine "l'accélérateur de l'histoire". Le tsar est renversé en cinq jours, ouvrant la voie à un processus révolutionnaire long de 8 mois.

Suite au renversement du tsar, un gouvernement dit provisoire est constitué. D'abord composé quasiment exclusivement par la droite et son principal parti, les cadets, ce gouvernement va peu à peu intégrer des représentants de la gauche russe : menchéviks et socialistes révolutionnaires. L'un de ces derniers, Kerenski, déjà ministre de la Justice du premier gouvernement provisoire, devint même chef du gouvernement provisoire en juillet. Dans le même temps, un autre type de pouvoir, populaire et réellement démocratique, se met en place, il s'agit des conseils d'ouvriers et de soldats, les fameux soviets. Forme de démocratie directe apparue durant la révolution de 1905, les soviets se présentent de suite comme une alternative au gouvernement provisoire. Tout le processus révolutionnaire sera marqué par cette dualité du pouvoir entre un gouvernement provisoire incapable de réaliser les aspirations populaires et les soviets gagnant en crédibilité par la réalité des faits. Car il s'agit d'une dynamique qui se renforcera au fil des mois. Ni la paix vivement souhaitée, ni la réforme agraire tant attendue par les paysans, ni un meilleur accès aux biens de subsistance ne seront réalisées par le gouvernement, sapant sa légitimité. A l'opposé, le rôle des soviets lors du blocage du putsch de Kornilov, un général favorable au rétablissement d'un régime de droit divin, renforce considérablement l'aile la plus radicale du camp révolutionnaire, les bolchéviks, qui voient leur influence dans les soviets et les comités d'usine augmenter considérablement à partir du mois d'août.

Lénine, militant bolchévik de longue date, a eu un rôle capital dans les événements révolutionnaires

Parmi les bolchéviks, un homme eut un rôle capital dans les événements révolutionnaires : Lénine. En exil au début de la révolution, il combat vivement la position de son parti qui soutient le gouvernement provisoire. Par ses Lettres de loin, il prend position en faveur d'un soutien exclusif aux soviets, selon lui le seul organe de pouvoir capable d'assurer le succès de la révolution face aux force contre-révolutionnaires. Dans ses Thèses d'avril, il emploie cette célèbre formule : "tout le pouvoir aux soviets". Au début minoritaire, il parvient à convaincre la majorité du comité central bolchévik de la nécessité de trancher cette situation de double-pouvoir en faveur des soviets. Suite au putsch de Kornilov, Lénine défendra l'inéluctabilité d'une insurrection pour définitivement arracher le pouvoir de la menace contre-révolutionnaire. Combattue par Kaménev et Zinoviev, deux dirigeants importants du parti bolchévik, la position de Lénine sera majoritairement adoptée, concrétisée par la prise du Palais d'hiver dans la nuit du 24 au 25 octobre. Au pouvoir, les bolchéviks vont immédiatement prendre des mesures fortes pour les ouvriers et les paysans : un décret qui donne la terre aux paysans, un autre qui annonce la paix, une ambition féministe avant-gardiste avec la mise en place d'un réseau de crèches, de cantines, de laveries. Sur la question de la paix, d'une importance vitale pour l'avenir de la révolution, là aussi Lénine fit preuve d'une lucidité à souligner. Malgré les conditions drastiques du traité de Brest-Litovsk, elle permit au nouveau pouvoir de sauvegarder ses acquis en s'épargnant les risques considérables d'une défaite militaire totale en cas de poursuite de la guerre. Mais très vite, la révolution dû affronter une situation particulièrement critique : la guerre civile intérieure menée par les monarchistes et les assauts des puissances capitalistes coalisées. Après près de 3 ans de lutte sans merci, le pouvoir issu de la révolution d'Octobre est sauvegardé, signe de l'adhésion des ouvriers et des paysans russes à la révolution. Mais cette période, bien que conclue par une victoire, laissa le pays dans une situation catastrophique, à ne pas mettre sous le tapis à l'heure de tirer le bilan de la révolution russe. Pour relancer la production industrielle et agricole, Lénine initie la NEP, sorte de compromis rétablissant la monnaie et la petite propriété.

Après le franchissement de nombreux obstacles imposés par les restes du tsarisme comprenant les grands propriétaires, les affairistes et les monarchistes, mais aussi les puissances capitalistes entrées en guerre contre un spectre devenu réalité concrète, les acquis de la révolution sont préservés, à un prix extrêmement lourd. Confrontés à une grande famine et à une somme de destructions conséquente, le pouvoir soviétique voit grandir en son sein une fraction d'administrateurs de plus en plus coupée du contrôle populaire. Si les conditions de vie extrêmement précaires, héritage du tsarisme et de la guerre civile, expliquent la mise en place d'une bureaucratie, elle ne suffisent pas, à elles seules, à expliciter le processus aboutissant à la dictature qu'incarnera Staline. Bien que défenseurs acharnés des soviets durant toute la révolution, la politique des bolchéviks se caractérise par une très faible attention à la démocratie. Ainsi, rapidement la direction des soviets est placée sous le contrôle du parti, les fractions sont interdites dans le parti, l'insurrection populaire de Kronstadt est violemment réprimée, l'Assemblée constituante est dissoute. La démocratie ouvrière, le bouillonnement de réflexions et de propositions qui caractérisent le développement ultérieur du mouvement ouvrier sont remplacés par le couple parti-Etat qui fusionne en une seule entité basée sur les mots d'ordre du "parti guide", du "centralisme démocratique", de "la dictature du prolétariat".

Malgré le dévoiement de la révolution, l'année 1917 reste marquante pour l'histoire de l'émancipation humaine. Elle souleva une immense vague d'espoir à travers le monde et doit continuer à nous inspirer dans nos réflexions et nos actes d'aujourd'hui.

Rédigé par amis de l'humanité 63

Publié dans #Actualité

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