Dans les eaux troubles des paradis fiscaux

Publié le 15 Novembre 2017

La semaine dernière a été rythmée par les révélations du Consortium International des Journalistes d'Investigation sur de l'évasion fiscale à grande échelle : les Paradise Papers. Ces fuites concernent le cabinet d'avocats Appleby basé aux Bermudes et spécialisé dans le montage de sociétés écrans.13,5 millions de documents ont ainsi été mis à disposition de façon anonyme au Consortium. Les Paradise Papers représentent la plus grande révélation de montages financiers offshore, elle représente 350 milliards d'euros de pertes pour les Etats floués. Mais l'enseignement premier de ces fuites est le côté récurrent, si ce n'est systématique, des pratiques de contournement de l'impôt par les multinationales. Sont ainsi nommés Nike, Glencore, Dassault, Louis-Dreyfus, Whirlpool, Apple, Total, les hommes d'affaires Arnault, Niel et Tinkoff.

Le scandale des paradis fiscaux, dont les Paradise papers constituent les dernières révélations, évite au capital de consacrer une partie de ses rentes au développement des services publics

Un système de fraude à la TVA lors de la vente de jet privés existe et fonctionne à plein régime sur l'île de Man. Les constructeurs comme Dassault font même de la possibilité "d'éviter la TVA" un argument commercial. Le dernier Cash investigation montre ces pratiques à l'aide d'un journaliste qui se fait passer pour un client potentiel. On constate que le système est bien rodé ! Dans le genre conflit d'intérêts, Maggi, ministre brésilien de l'agriculture et patron du premier producteur mondial de soja, est un as. Mais ce n'est pas tout, puisque sa filiale en association avec Louis-Dreyfus, AMAGGI LD, est basée...aux Iles Caïmans, lieux plus réputé pour son impôt sur les sociétés nul que ses matières agricoles ! La multinationale Glencore, géant minier qui possède certains des plus grands gisements de nickel et de cobalt du monde, était déjà tristement connu comme gros pollueur et insensible aux populations voisines de ses mines, le voilà champion de l'évasion fiscale avec environ 700 sociétés offshore ! En quelques années, Nike a fait passer son impôt sur les sociétés de 35% à 17% par le biais de montages financiers aux Pays-Bas. Le géant du sport déclare ses profits dans ce pays, très accommodant fiscalement, afin de minorer ses bénéfices, voir de les annuler, dans les pays où l'activité commerciale est réalisée mais où la solidarité par l'impôt n'est pas galvaudée. Le groupe électroménager Whirlpool a beaucoup fait parlé de lui cette année en annonçant la fermeture de son site d'Amiens pour cause de pertes financières. Voilà qui tranche singulièrement avec les révélations des Paradise Papers puisqu'on apprend que l'entreprise déclare ses bénéfices dans plusieurs paradis fiscaux afin de les minorer en France. Le géant pétrolier Total, possédait 15 filiales aux Bermudes, fermées en 2015 mais d'autres ont depuis été ouvertes aux Pays-Bas. Les riches français Bernard Arnault et Xavier Niel se sont servis de sociétés à Jersey et Malte pour leurs achats de yachts et villa. Cette somme d'exemples et de documents montre à quel point les pratiques d'évitement de l'impôt sont courantes. Il s'agit là du fonctionnement normal et quotidien du capitalisme, la rentabilité financière écrase tout, les impôts pourtant garants d'une société civilisée sont vus comme des coûts à réduire au maximum.

Face à ce scandale, qui coûte tant aux finances publiques et mine le pacte républicain, la gauche n'est pas avare de propositions, la résignation n'est pas de mise. Durant la campagne présidentielle, Jean Luc Mélenchon à défendu l'impôt universel. Il s'agit de faire payer à tout expatrié, la différence entre les impôts qu'il paye dans son pays de résidence et ceux qu'il payerai en France. Eric et Alain Bocquet, anciens parlementaires communistes, ont écrit un livre sur le sujet : "Sans domicile fisc". En plus d'analyser de façon approfondie les mécanismes de l'évasion fiscale, ils livrent de nombreuses propositions au débat public. Tout d'abord, alors que le nombre de contrôleurs fiscaux a diminué de 30 000 au cours des 15 dernières années, il y a urgence à se donner de nouveaux moyens afin de mettre à jour les schémas de fraude. Sur le même plan, le verrou de Bercy, en laissant la responsabilité des poursuites au seul Ministre du Budget, limite les possibilités de voir les fraudeurs comparaître devant la Justice. Mais l'évasion fiscale ne se combattra pas uniquement au plan national. Ses filières, ses montages sont internationaux, rendant indispensable une coopération large entre pays. Les frères Bocquet ont proposé l'idée d'une COP fiscale, grande série de rencontres entre Etats afin de réellement amorcer la lutte et mettre en place des solutions concrètes rassemblant un large éventail d'Etats. Enfin, les campagnes citoyennes ont toute leur place dans ce combat. L'exemple de Starbucks, obligé de rapatrier ses filiales au Royaume-Uni suite au mécontentement populaire, montre que la médiatisation et l'intervention des consommateurs peut changer la donne. Les fraudeurs fiscaux n'aiment pas la lumière ! 

Rédigé par amis de l'humanité 63

Publié dans #Actualité

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